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Qui sont les 30 avocats les plus puissants de France ?

Les 30 avocats les plus puissants de France

Pour la 7e année consécutive, GQ vous propose son (très attendu) palmarès des ténors du barreau français. Entre affaires médiatiques et dossiers financiers, "cold cases" et procès de djihadistes, place aux avocats qui mêlent art de la défense et science de l’attaque.

C'est une question glissée discrètement : "C’est vrai que X invite chaque année au restaurant le journaliste qui fait le classement ?" C’est un patron d’une grande société africaine qui débarque chez un avocat, GQ sous le bras : "Je ne vous connais pas mais je vous ai vu dans le classement." C’est encore un SMS amical, le mail d’une agence de relations publiques listant les dossiers défendus par son client. Sept ans après sa création, notre classement annuel des avocats les plus puissants suscite plus que jamais les appétits, entre ironie distante pour les plus influents, attente impatiente pour les émergents, et conclusion convergente : ça ne nuit pas "d’en être". L’équipe de GQ, tout en revendiquant la subjectivité inhérente à tout classement, a su garder la tête froide. Et partager l’opinion d’Emmanuel Marsigny, une des valeurs sûres de notre "Top 30" : "On ne fait que du droit, il faut rester modeste. On n’envoie pas des fusées dans l’espace, on n’opère pas des cancers."

DU GRAND PATRON AU MIGRANT. Sa modestie l’honore, mais dans une société complexe, violente, inégale, les avocats continuent de fasciner. GQ a choisi de mettre en lumière la foisonnante diversité de ce métier. Si obtenir justice est le trait d’union qui unit les soixante et quelque mille robes noires françaises, quoi de commun entre la défense d’un grand patron et le réglement d’un divorce, l’assistance à un homme politique indélicat et à une multinationale, la recherche d’un assassin envolé depuis vingt ans et la présence auprès d’un migrant ? La passion, l’opiniâtreté, la maîtrise du dossier, l’art oratoire. Et un ego solide dans un univers ultra-concurrentiel. Vous allez retrouver la galerie incontournable des avocats des puissants, ceux qui murmurent à l’oreille des grands de ce monde, dirigeants politiques, financiers, grandes sociétés, stars de cinéma. Mais GQ vous présente aussi l’autre bout de la chaîne, qui défend les plus faibles et les oubliés. En témoigne la deuxième place occupée par Didier Seban, le roi des "cold cases" ; la cinquième décrochée par les "avocamarades", un collectif qui a obtenu la réhabilitation des mineurs du nord, héros de la Résistance, licenciés et outragés en... 1948. L’arrivée de Martin Pradel, défenseur de djihadistes, ou d’Ardavan Amir-Aslani, tête de pont entre les entreprises françaises et l’Iran. Des profils parmi lesquels les enfants d’immigrés côtoient de plus en plus les héritiers. Tous unis par le mot d’Étienne Noël, l’homme qui s’attaque à l’inhumanité de nos prisons : "Un avocat efficace sera toujours un avocat révolté."

1L'OMNIPRÉSENT, JEAN VEIL
Le fils de Simone Veil, 69 ans, qui exerce environ la moitié de son activité dans le domaine des affaires et de la fusion-acquisition, est devenu l’avocat pénaliste des puissants par excellence. La Société Générale lui fait confiance contre vents et marées dans les méandres de l’affaire Kerviel, avant la possible mise en cause de la banque pour l’activité off-shore révélée dans les "Panama papers". La banque suisse UBS, mise en cause pour fraude fiscale, Total, la SNCF, l’ex-directeur financier d’Areva, l’ancien patron de France Télécom Didier Lombard poursuivi avec six autres dirigeants pour "harcèlement moral" après une série de suicides de salariés, Françoise Meyers-Bettencourt, Dominique Strauss-Kahn (à nouveau inquiété dans la faillite de la société LSK) et Jérôme Cahuzac ont fait appel à lui. En cet avocat discret et sûr de lui, les puissants voient leur semblable. Avec lui, ils redoutent moins d’entrer dans l’univers pénal, où ils apprécient son entregent, sa réputation et sa technique. Comme eux, Jean Veil répugne au tapage, au combat médiatique qu’il trouve vulgaire. Il préfére la discussion procédurale à l’affrontement, l’apaisement au choc. Me Veil semble fait pour l’avenir du pénal des affaires, la récente loi dite "Sapin II" prévoyant une possibilité d’amende transactionnelle, alternative aux poursuites classiques pour corruption. Un boulevard pour ce technicien influent.

2LE ROI DES "COLD CASES", DIDIER SEBAN
Dans la cellule de son cabinet consacrée depuis quinze ans aux affaires criminelles non élucidées, Didier Seban, 59 ans, vient de reprendre la pire énigme de Paris : celle de "l’homme au visage grêlé". Ce sauvage tueur et violeur en série des années 1980 et 1990 est toujours recherché. Comme pour les quelque soixante autres cas où Didier Seban agit en partie civile avec ses associés Corinne Herrmann et Camille Rigal, il s’agit de réveiller des vieux dossiers. Il sollicite souvent des recherches rendues possibles par les progrès de la génétique ou de la science. Parfois, il empêche un enterrement judiciaire définitif, comme en 2015, où Me Seban a obtenu à Grenoble la réouverture d’une procédure sur deux disparitions d’enfants et un enlèvement dans les années 1980. "On me reproche de faire de l’archéologie judiciaire. Mais les meurtriers oubliés sont toujours en âge de passer à l’acte !" C’est souvent à fonds perdus que cet ancien communiste, natif de Casablanca, président du syndicat étudiant Unef dans sa jeunesse, agit dans ces "cold cases" pour des familles modestes. Plaideur posé, brillant et d’une grande humanité, il est aussi un avocat de référence pour les collectivités territoriales. En avril 2016, il a obtenu la réduction en appel de la peine du maire de la Faute-sur-Mer, mis en cause pour les victimes de la tempête Xynthia.

3 L'OBSTINÉ, PATRICE SPINOSI

N° 1 dans le classement GQ en 2015, ce fils d’un avocat à la Cour de cassation et d’une professeure de droit continue à plaider de pures questions de libertés fondamentales devant les plus hautes juridictions, Cour de cassation, Conseil d’État, Cour européenne des Droits de l’Homme. Une démarche à ses yeux "cruciale" dans une période sécuritaire où on souhaite de plus en plus s’affranchir des "arguties juridiques" ou de la Constitution. "Les libertés fondamentales ont mauvaise presse", remarque-t-il. En 2016, l’avocat de 44 ans a combattu pour la Ligue des Droits de l’Homme (LDH) diverses dispositions de l’état d’urgence, avec des succès limités. Il a en revanche obtenu l’annulation par le Conseil constitutionnel en octobre d’une disposition de la loi sur le renseignement de 2015 qui permettait l’espionnage global et sans contrôle du public.

4 L'ÉCLECTIQUE, HERVÉ TEMIME
Fils de médecin, ce pied-noir chaleureux de 59 ans, au naturel tellement bluffant en audience, exerce son art sur un large spectre. Il défend aussi bien des accusés "ordinaires" des assises que l’animateur télé Jean-Marc Morandini, mis en cause pour corruption de mineurs, la chaîne BFM pour laquelle il a résolu à l’amiable une poursuite en marge de l’affaire Charlie, le marchand d’art Guy Wildenstein, suspecté d’une fraude fiscale de plusieurs milliards d’euros ou le cinéaste Roman Polanski (toujours poursuivi aux États-Unis pour une affaire sexuelle vieille de quarante ans). Avec ses associés Corinne Dreyfus-Schmidt, Julia Minkowski et Martin Reynaud, il dirige ainsi le cabinet pénaliste le plus diversifié de Paris.

5 LES ENGAGÉS, SLIM BEN ACHOUR ET LES AVOCAMARADES

Spécialisé en droit du travail, engagé contre la discrimination, Slim Ben Achour, 50 ans, a formé avec Emmanuelle Boussard-Verrecchia, Savine Bernard et Joao Viegas une confrérie informelle baptisée les "avocamarades". Tous disciples de Tiennot Grumbach, figure du barreau et homme de gauche engagé décédé en 2013, ils se sont battus à ses côtés pour une cause emblématique : celle de mineurs du Nord et du Pas-de-Calais, Résistants sous l’Occupation, licenciés après des grèves en 1948 et 1952. Après une première victoire judiciaire en mars 2011 auprès de la cour d’appel de Versailles (annulée depuis en cassation) qui a ordonné des indemnisations, les "avocamarades" ont obtenu de la gauche qu’elle reconnaisse l’injustice et verse les indemnités. En septembre 2016, les derniers mineurs, dont le nonagénaire Norbert Gilmez, se sont vu restituer leurs médailles militaires. "Un message d’espoir à ceux qui se sentent abandonnés", leur a dit François Hollande. L’illustration pour Slim Ben Achour et ses amis de la pertinence de la stratégie dite du "perdu-gagné", consistant à porter une cause sociale juste devant les tribunaux, même si elle semble sans espoir.

6 LES INSÉPARABLES, PIERRE HAÏK ET JACQUELINE LAFFONT
Ce couple de pénalistes, formé il y a trente-trois ans entre un juif pied-noir aux penchants anarchistes et une catholique fille d’un officier de marine gaulliste, a gravi toutes les marches, des comparutions immédiates aux chefs d’État : ils conseillent aujourd’hui Nicolas Sarkozy dans l’affaire de corruption présumée de magistrat dite "Bismuth" ainsi que des présidents africains (Gabon, Tchad). Ils défendent avec la même technique les molosses des gangs de banlieue et le magnat de l’armement Serge Dassault.

7 LE REVÊCHE, ERIC DUPOND-MORETTI
La "bête noire" des avocats généraux, 130 acquittements au compteur, continue à régner sur les cours d’assises avec ses deux associés Antoine Vey et Alice Cohen-Sabban. Le talent de l’ombrageux attire désormais des célébrités : le roi du Maroc (dans l’affaire d’un chantage présumé exercé par des journalistes), le chanteur marocain Saad Lamjarred (écroué pour viol en octobre) ou Karim Benzema dans le dossier du chantage à la "sextape"... Très présent à la télé, le "grizzly" – un de ses surnoms – jouera un... magistrat dans le prochain film de Claude Lelouch.

8L'EXPÉRIMENTÉ, PATRICK MAISONNEUVE
L’ancien patron du renseignement, Bernard Squarcini, s’est attaché ses services de même que la patronne du FMI Christine Lagarde. Il est au cœur de l’affaire de la campagne Sarkozy en tant que conseil de la société Bygmalion et il défend le sondeur Pierre Giacometti (affaire des écoutes de l’Élysée).

9 LE RÉSILIENT, RICHARD MALKA
Toujours en deuil de ses amis de Charlie et protégé en permanence par deux policiers, l’avocat favori de nombre d’éditeurs et journalistes se penche, au travers de procès en diffamation, sur les grandes questions de société : laïcité, liberté d’écrire et de penser, place de la religion dans l’espace public. Il mêle dans ses clients les anarchistes, les adeptes de la dérision parfois lourde avec... leurs cibles, comme Carla Bruni dont il est l’avocat contre Voici.

10 LE SURVIVANT, PASCAL GARBARINI
Il est passé sous les orages de plomb qui ont décimé depuis trente ans les rangs de ses amis et clients, nationalistes corses, bandits, avocats comme Antoine Sollacaro. Il est sorti sans encombres d’une garde à vue en 2013, dans une affaire visant le "Petit bar", gang corse dont il passe pour être le défenseur attitré. Il a laissé derrière lui le dossier de l’assassin du préfet de Corse Claude Érignac, Yvan Colonna, dont il n’est plus l’avocat. Pascal Garbarini, 53 ans, vit désormais son âge d’or. Il est sorti de sa prison symbolique "d’avocat corse" et du cinéma de l’île de Beauté pour lui préférer le vrai. C’est ainsi qu’il a défendu avec succès au pénal les acteurs Benoît Magimel, François Cluzet, l’humoriste Christophe Alévêque et conseille des poids lourds du septième art comme le metteur en scène Jérôme Salle. Il n’oublie pas le pénal plus classique, en défendant deux jeunes filles écrouées pour avoir épousé la cause du djihad en Syrie ou quelques braqueurs. Bouclant la boucle, il est aussi aujourd’hui en partie civile dans des dossiers de terrorisme, comme celui de la séquestration d’un journaliste en Syrie, ou celui des otages détenus trois ans au Niger.

11 L'AUDACIEUX FRANK BERTON

Gueule cabossée, voix grave et gouailleuse de fumeur, le Lillois de 54 ans écume toutes les juridictions de France avec un succès croissant depuis les acquittements de l’affaire Outreau. En 2016, cet avocat redoutable est tombé sur un os : Salah Abdeslam. Accepter en avril de défendre le seul survivant des commandos du 13 novembre lui a attiré des menaces de mort. Y renoncer en octobre a suscité les critiques. Il assume tout. "Nous avions un deal sur le système de défense, qu’il a brisé. Je ne serai pas le pot de fleurs de Salah." Être l’avocat du diable, d’accord, mais à ses conditions. À part ça, Frank Berton plaide tout le temps, pour les accusés ou les parties civiles, en France comme à l’étranger où, depuis Florence Cassez, les Français dans les ennuis l’appellent souvent (Pérou, Maroc, République Dominicaine). Il a même fait son entrée chez les cols blancs comme Damien Loras, ex-conseiller de Nicolas Sarkozy mis en cause dans le dossier des contrats au Kazakhstan.

12 LE DISCRET, PIERRE CORNUT-GENTILLE
Ce vétéran du barreau de Paris, 66 ans, est devenu l’un des avocats favoris des cols blancs. Discret et roué, il leur offre sa parfaite connaissance des mœurs et des arcanes de la justice, ainsi qu’une certaine distance, une éloquence sobre. C’est lui qui a obtenu par une plainte l’ouverture d’une "affaire dans l’affaire" de la saga Bettencourt, et la mise en examen pour subornation de témoin de sa fille Françoise Meyers. Il conseille de grandes sociétés comme Alstom, et le sulfureux intermédiaire Alexandre Djouhri.

13 L'INDIGNÉE, FRANÇOISE COTTA
Trente-six années de barreau et Me Cotta est toujours indignée. Au palais où elle combat le "droit d’exception antiterroriste" appliqué aux suspects du djihad. À la frontière italienne, où elle prend fait et cause pour les migrants qu’on refoule. En leur nom, elle a attaqué les autorités pour "délaissement d’enfants".

14 LE PROFESSEUR, FRANÇOIS SAINT-PIERRE
Il a obtenu la relaxe des journalistes du Monde Gérard Davet et Fabrice Lhomme, poursuivis en diffamation par François Fillon. Il assiste prévenus ordinaires et grandes sociétés (Air France, Areva).

15 LE SÉRIEUX, CHRISTIAN SAINT-PALAIS
Ce Béarnais est devenu en mai pour trois ans président de l’Association des avocats pénalistes (Adap). Il l’utilisera pour tenter de limiter ce qu’il voit comme l’intrusion des juges dans le travail des avocats. Il défend avec la même rigueur – certains diront raideur – des truands comme Redoine Faïd, l’assassin présumé Jamel Leulmi et la cheville ouvrière de l’affaire Bygmalion, Jérôme Lavrilleux.

16 LE FILS SPIRITUEL, EMMANUEL MARSIGNY
Il a été l’héritier précoce du grand maître du pénal des affaires Olivier Metzner, dont il avait décidé de s’émanciper quand il s’est donné la mort en 2013. Il a fondé son propre cabinet où il défend des clients huppés sulfureux, comme le fils du président de Guinée Équatoriale Teodorin Obiang, poursuivi pour ses "biens mal acquis" à Paris. Il traite des affaires de délits d’initié, de fraude fiscale ou du favoritisme (dossier de la vente de l’hippodrome de Compiègne). Mais il reste aussi dans le pénal qui donne la "boule au ventre", les assises pour des bandits corses ou des braqueurs. À 45 ans, le jeune homme de bonne famille a pris de l’épaisseur. Il a gardé certaines attitudes du maître et retenu son goût du détail juridique mortel. C’est en vieux briscard qu’il regrette par avance le vieux palais de l’île de la Cité, appelé à déménager.

17 HÉRITIER, MAIS PAS "FILS DE", ANTONIN LÉVY
 

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